Le premier pas est toujours dur - 1er rendez-vous en PMA ou la déception programmée

Publié le par Mitzie

Comme je déteste chaque pas de ce parcours.
 
Je ne me reconnais plus dans cette colère, ce refus, je me débats dans ma tête comme un beau diable, moi qui me croyais gentille, trop même, influençable, je n'arrive pas à faire confiance, à accepter.
 
Le contraste entre la banalité des situations pour ceux qui nous reçoivent et notre émotion rend tout difficile.
 
Levés plutôt qu'à lordinaire, stressés comme avant un oral, les nerfs à vif, les intestins en vrac, nous on a l'impression de jouer notre vie, notre futur sur les mots qu'on va entendre dans ce haut lieu de la science. Je sais pas vous mais je ne vais pas tous les deux jours à l'hopital. C'est dans un endroit de la ville qu'on ne connait pas, il faut se garer, aller à l'accueil, répondre aux questions, prendre un ticket, trouver l'ascenceur, l'étage, le couloir, la salle d'attente, les toilettes (stressés on a dit). On regarde les gens passer. Oh, la femme d'un collègue... ça va pas rester longtemps confidentiel cette histoire, il y a tant de monde.
 
On ne sait pas si on attend au bon endroit, personne ne semble nous voir. On attend une petite demi-heure, c'est la rentrée, premier rendez-vous de la journée, chacun se remet dans le bain. Elle a l'air sympa, pourvu que ce soit elle... oh non pas elle, elle me plaît pas... et celui-là, je me demande si c'est un docteur, il a l'air bien jeune... Une sage-femme nous demande ce qu'on vient faire, et nous confirme qu'on est où il faut, qu'on va venir nous appeler. Quelques minutes après une autre passe, me demande "Vous avez déjà fait votre prise de sang ?" "Euuuh" "On n'est pas concernés" répond Ernest fermement.
 
Une fois appelés et entrés, un tout petit bureau, et juste à côté un fauteuil avec étrier, ça me déstabilise un peu. Sûrement que ça ne va pas me servir aujourd'hui ? Nooon.
 
Pas de présentation, pas de mise en jambe.
 
Un coup d'oeil à notre dossier si soigneusement préparé la veille. Les résultats labo sont recopiés, je remarque que les courbes de température sont directement écartées.
 
Des questions répondues cent fois, toujours avec les mêmes hésitations. "Vous avez déjà été malade ?" "Des problèmes de santé dans votre famille". Que faut-il mentionner ou pas ? Si on répond à mauvais escient, une petite blague nous fait comprendre que ce renseignement ne servait à rien, nous rappelant au passage qu'on ne comprend rien, que c'est le médecin qui doit s'efforcer de nous soutirer des informations utiles.
 
Pas de diagnostic, mais des remarques étonnantes, qu'elle ne réalise pas que je vais retourner mille fois dans ma tête d'ici le prochain rendez-vous. "Vous ovulez bien mais vos ovaires semblent un petit peu fainéants" (euuh)  "Il semble que votre stock d'ovules soit un petit peu diminué" (Il diminue chaque mois, mais j'imagine que "un petit peu diminué" signifie ici "trop diminué" ? à 27 ans ??)
 
Je n'ai pas la présence d'esprit de demander des explications plus précises sur tout ça, mais je pose les questions que j'avais préparées.
Elles resteront sans réponse, malgré mes efforts pour les ramener sur le tapis sous différentes formes, mais je ne suis jamais assez directe, jamais assez pénible.
Les saignements ? C'est hormonal, ça n'a rien à voir, c'est pas grave. (?)
J'essaie de donner rapidement plus d'informations dessus, pour qu'elle se rende compte, peut-être qu'elle croit que ce n'est que du spotting qui dure 3 jours, mais visiblement ça ne change rien. J'insiste, ça m'inquiète, vous pensez que ce n'est pas lié aux problèmes de fertilité ? Parce que bon, c'est pas glamour, et ça dure la moitié du cycle, j'insiste encore pour faire comprendre que ce sont des saignements assez importants, enfin je trouve.
Elle semble se raviser, me signe une ordonnance sans rien dire.
Je la prends sans comprendre. Puis tilt.
"Mais vous pensez que ça n'a rien à voir avec la fertilité, vous me donnez ça pour mon confort ?"
Air étonné de sa part "Oui, c'est vrai que ce n'est pas très agréable", elle pense me faire une fleur sans doute.
 
Et voilà, j'ai réussi à passer pour une chochotte. Hors de question que je prenne des hormones de "confort" ! Je jette un oeil à l'ordonnance, choc, du Lutényl, c'est ce que ma mère prend pour atténuer les effets de sa ménopause.
 
Je n'ai pas le temps de réagir que j'ai trois autres ordonnances entre les mains. Une prise de sang, un suivi d'ovulation, une hystéro-salpingographie, je m'y attendais, je connais tout ça. Mais je refuse de me lever tant que je n'ai pas tout bien compris. "C'est quoi ? Ca se fait où ? Il faut que je prenne rendez-vous ?"
Encore un air un peu étonné de devoir expliquer les évidences "Pour la prise de sang, dans un labo, pour le suivi, c'est ici, appelez les sage-femmes entre 14h et 15h, pour la radio, dans un cabinet de radiologie" "Je n'en connais pas, vous pouvez m'en indiquer un ?" Air offusqué "Non. Je n'en ai pas le droit. Prenez n'importe lequel". "Ici ?" haussement d'épaules "Si vous voulez."
 
"Reprenez rendez-vous avec moi, vous aurez un rendez-vous dans deux mois, entre temps faites bien tout ça, et là on verra si on peut vous proposer quelque chose".
 
On se retrouve dehors un peu absaourdis. Ca a bien duré 20 ou 30 minutes quand même, mais je n'ai rien vu passer. La sage-femme gentille qui nous avait parlé tout à l'heure nous demande si on a tout bien compris, nous dit de ne pas hésiter à rappeler pour poser des questions. Reconnaissante, je lui dis oui, je le ferai, d'ailleurs je dois rappeler à 14h pour prendre un rendez-vous avec vous. Elle me propose d'un air enjoué de le faire tout de suite. Vous en êtes à combien ? Rendez-vous demain vessie vide, pour l'écho de base.
 
Et voilà. On se retrouve dans la voiture, on ne sait pas trop quoi dire, Ernest sent ma déception, il est déçu, désolé de n'avoir pas su intervenir pour m'aider à obtenir les infos, me promet qu'il fera mieux la prochaine fois. Je ne veux pas pleurer, il doit maintenant aller au boulot, il est 10h, il est en retard, pas de café avec ses collègues, il va falloir qu'il arrive à se plonger directement dans le travail. Il me laisse rentrer à pied pour partir au boulot, et je laisse enfin couler mes larmes.
 
Un pas, on n'a fait qu'un pas, en se tenant très fort la main, mais aussi instables l'un que l'autre, et déjà je nous sens vaciller. On aurait tant aimé un mot d'espoir, un signe qui montre qu'elle sait ce qu'on vit, et ce que ça représente pour nous devenir la voir, mais c'est un médecin, c'est son métier qu'elle fait, on ne peut pas exiger d'elle plus que ça. Je dois faire confiance. Qu'importent les mots, je me répète, l'essentiel c'est que les examens vont être faits.
 
Mais comment faire confiance sans comprendre ?
 
Je comprends maintenant tous ces blogs qui détaillent les rendez-vous, les traitements. Ecrire pour digérer... je sens que je n'ai pas fini de gratter mon clavier.
  

Publié dans Médecine

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M
Je suis derrière mon écran et je me tais. j'ai lu , relu et je crois que je relirai encore ce post.Comment te dire.........si ce n'est,  comme Otir,  que tu as raison, Mitzie, d'écrire tout cela.Tendresses
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M
Merci Otir, je ne sais pas trop pourquoi les larmes me sont montées aux yeux en lisant ton commentaire, tout cela a peut-être un sens comme tu dis, mais je ne suis pas sûre de le savoir...
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O
Tu as raison, Mitzie, d'écrire tout cela, de le partager, même avec des inconnu(e)s qui peut-être ne comprennent pas tout, qui sûrement ne peuvent rien faire concrètement que t'entendre, entendre ce que tu portes, et qui n'est pas ce que tu voudrais porter.Tu as raison, Mitizie, d'écrire tout cela, de partager pour reprendre du pouvoir, celui que tu perds quand tu es face à celui "qui sait" ou qui devrait savoir, quand il ne sait pas plus, qu'il ne veut surtout pas le dire de peur que tu ne lui fasses plus confiance, et qui ne voit pas qu'il sape justement le peu de confiance que tu voudrais tant lui faire.Tu as raison de partager tout ça, j'ai peut-être tort de laisser un si long commentaire, moi qui suis ailleurs, à tous points de vue, mais qui seulement peut entendre, parce que je lis tes mots, ceux que tu m'as fait confiance que je pouvais les lire, en me laissant venir lire ici, et j'ai confiance alors que tout cela a un sens, et que tu le sais.
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